Réception des œuvres du XVIIe siècle à nos jours

Journal des Sçavans, 1675

[Recension du Callimaque]

De quatre cents ouvrages différens que la République des lettres doit aux femmes sçavantes, & qu’un curieux a pris plaisir de ramasser soigneusement, il n’y en a pas de plus hardy que celuy-cy.  Il ne faut sortir ny du royaume ny de Paris même, pour sçavoir qu’il y a des dames qui écrivent avec la derniere délicatesse. Ce n’est plus une chose rare que d’en voir qui entendent le latin, & qui écrivent avec une pureté  digne de l’ancienne Rome : mais  Mademoiselle Le Fevre a peu de compagnes de son application à la langue grecque.

Nous lui devons Callimachus dans toute la beauté dont il est capable dans le mal-heur des temps qui nous ont ravi ce qu’il avoit fait de plus achevé. [...] & de huit cent volumes, qu’on  asseure qu’il a composez, nous n’avons plus que quelques hymnes, quelques epigrammes & quelques fragmens.

Ce peu d’ouvrages avoient même esté gâtez par les choses qu’on y avoit ômises, & par les interpretations peu justes qu’on y avoit données en plusieurs endroits. Mademoiselle Le Fevre a reparé heureusement ces deux défauts : elle a ajoûté quelques fragmens qui avoient esté omis dans toutes les autres editions ; & parmy les epigrammes qu’on attribuë à ce poëte celebre par les loüanges qu’il a meritées d’Horace, de Properce, d’Ovide & de plusieurs autres, elle en a inseré neuf qui n’avoient point encore veu le jour, sur les manuscrits que M. Huet luy a communiquez.

On trouve après cela les notes qu’elle a faites sur chacun de ces ouvrages particuliers ; elle rétablit quelques endroits qu’elle pretend avoir esté mal entendus ou mal expliquez ; elle éclaircit ceux qu’on n’avoit pas encore touchez, & par tout on trouve une profonde erudition, sans qu’elle soit pourtant affectée. (p. 73-74).

Journal des Sçavans, 1675, VII (11 mars), p. 73-75.


Journal des Sçavans, 1681

[Recension de l’Aurelius Victor]

Qu’une fille nous donne en latin de beaux & bons commentaires des anciens auteurs qui ont écrit en cette langue, c’est quelque chose de si peu commun qu’elle merite bien qu’on le publie dans un journal extraordinaire, mais cela est encore moins surprenant pour Mademoiselle le Fevre que de nous en donner comme elle a fait sur les auteurs grecs. Il y a quatre differens ouvrages dans ce qu’elle nous donne icy sçavoir L’Origine des Romains, Des Hommes illustres de Rome, Des Césars, & l’Epitome ou abregé des vies des empereurs romains depuis Auguste jusqu’à Theodose. Elle examine si tous ces 4 ouvrages sont d’Aurelius Victor qui fut consul avec Valentinien sous les empereurs Constance & Julien, & elle pretend que du moins on ne sçauroit luy contester l’histoire des Cesars.

Dans le corps de l’ouvrage parmi ses notes on trouve avec ses remarques plusieurs belles corrections, par ex. lorsqu’il est dit dans le traité des Césars, que la 6. année du regne de Claudius on celebra en pompe la 800 année de la fondation de Rome, elle fait voir que cela ne peut pas estre, puisque cet empereur commença de regner l’an 793. (p. 374-375).

Journal des Sçavans, 1681 (25 août), p. 374-376.


Journal des Sçavans, 1682

[Recension des Poësies d’Anacreon et de Sapho]

Tout est singulier dans cet ouvrage. La traduction, les remarques, les vies d’Anacreon & de Sapho que Mademoiselle le Fevre nous y donne, & les augmentations qu’elle y a faites de plusieurs pieces, qui ne se trouvent dans les autres editions d’Anacreon, que dans des recuëils separez.

Comme la Grece n’a jamais rien eu de plus galand ni de plus poli que les poësies de Sapho & d’Anacreon, nous pouvons dire que la France n’a guere rien veu de plus juste que cette traduction, tant par la delicatesse avec laquelle Mademoiselle le Fevre a imité dans cette copie la naïveté presque inimitable de l’original, que par le secret qu’elle a sceu trouver la premiere, de faire passer dans une prose fidelle toutes les graces que l’on trouve dans les vers grecs.

On peut joindre à ses autres remarques (où elle corrige fort souvent la version latine faite en partie par Henry Estienne, & en partie par Elias Andreas, & où elle explique & restitüe un grand nombre de passages, qui n’avoient pas esté entendus jusqu’icy, ou que le temps & les copistes avoient gastés) l’examen qu’elle fait dans sa preface de toutes les versions de ces excellens originaux, la découverte des defauts qu’elle y touche en general, & ce qu’elle dit touchant les anciens poëtes ; où elle fait voir que la beauté d’Anacreon comme celle d’Homere & des autres que la posterité a admirés, consiste en ce qu’ils ont toûjours imité la nature, qu’ils ont suivi la raison, qu’ils n’ont jamais presenté à l’esprit que des images nobles & naïves, & qu’ils ont toûjours eu un extréme soin d’éviter les pointes qui se sont introduites chez nos voisins, & qui dans la suite ne nous ont esté que trop connuës.

Journal des Sçavans, 1682, IV (16 février), p. 45-47.


Journal des Sçavans, 1683

[Recension de l’Eutrope]

C’est le quatriéme & dernier ouvrage qu’à la gloire de nostre siecle une fille nous donne pour l’usage de Monseigneur le Dauphin. De tout ce qu’on appelle petits historiens, comme Florus, & Aurelius Victor, Eutrope est sans doute le plus propre pour la jeunesse, tant par la netteté & la facilité de son stile, qui n’est pas toûjours cependant le plus pur du monde, que par l’exactitude avec laquelle il s’attache aux temps, sans la connoissance desquels l’histoire est toûjours obscure & confuse, au lieu que Florus tient moins de l’historien que de l’orateur & du panegiriste, & qu’Aurelius Victor ne peut estre parfaitement entendu si l’on n’a déja quelque teinture de l’histoire romaine.

Plusieurs auteurs nous avoient donné ces deux derniers historiens avant Mad. le Fevre ; mais pour Eutrope personne parmy les Latins n’y avoit encore travaillé qu’on sçache, & il n’en avoit paru que deux versions grecques, dont la plus estimée est celle qui fut faite un peu avant l’empire de Justinien & de laquelle l’on croit que Jean d’Antioche avoit tiré ce qu’il en a inseré dans ses écrits. [....] (p. 65-66).

C’est donc cet abregé de l’histoire romaine fait par Eutrope que Mademoiselle Le Fevre nous donne icy avec ses notes, dans lesquelles elle rend toûjours à son pere l’honneur qui luy est dû pour les remarques qu’elle tire de luy. Ainsi pour en donner un exemple, dans l’endroit où Eutrope dit qu’on crea dans Rome deux consuls à la place d’un roy dont on borna le gouvernement à une seule année pour les empêcher d’abuser de leur autorité, & les obliger, ut civiles semper essent, elle remarque que selon son pere, ce terme de civiles ne signifie pas ce que nostre terme françois de civil veut dire, mais amateurs du peuple, & nullement cruels & tirans comme l’estoient Caligula, Neron, Domitien, qui pour cet effet estoient appellez inciviles. (p. 67).

Journal des Sçavans, 1683, VI (15 mars), p. 65-68.


Journal des Sçavans, 1683

[Recension du Rudens ou L’Heureux Naufrage de Plaute. Le journaliste ne rend pas compte des deux autres pièces (Amphitryon, Epidicus) contenues dans le même volume.]

Un pere qui par le moyen d’un naufrage retrouve sa fille qui luy avoit esté enlevée fort jeune par un corsaire, & venduë à un marchand d’esclaves, est le sujet de cette comedie de Plaute dont Mademoiselle le Fevre nous donne icy la traduction. Elle y a ajoûté des remarques, & un examen entier de cette piece selon les règles du theatre.

Comme dans cet examen elle ne fait point du tout grace à Plaute sur ses méchans endroits, elle n’y oublie pas aussi les plus beaux. Elle use de mesme dans ses remarques à l’égard des divers interpretes de cet auteur, selon qu’ils ont bien ou mal entendu quelques-uns de ses passages, comme celuy [...].

Elle a pris plaisir de ramasser dans ces remarques plusieurs coûtumes particulieres des Anciens, par ex. que dans la Grece il y avoit des ecoles publiques où les filles apprenoient à chanter ; que les voleurs des bains estoient plus severement punis que les autres [...].

Journal des Sçavans, 1683, X (3 mai), p. 117-118.



Nouvelles de la République des lettres, 1684

[Les éditions in usum Delphini procurées par Anne Le Fèvre]

[...]

La plûpart de ceux qui avoient été chargez de donner ces commentaires n’ont fourni leur tâche que lors qu’il n’a été plus temps de l’employer à ce à quoy on la destinoit. Si je m’en souviens bien, Mademoiselle le Févre surpassa tous les autres en diligence, & gagna le pas à je ne sçay combien d’hommes qui tendoient au même but. Son Florus fut imprimé dés l’année 1674. & depuis ce temps-là on a vû deux autres auteurs qu’elle a commentez pour M. le Dauphin, sçavoir Dictys Cretensis, & Aurelius Victor. Ainsi voilà notre sexe hautement vaincu par cette illustre sçavante puisque dans le temps que plusieurs hommes n’ont pas encore produit leur auteur, elle en a publié trois. (p. 239).

[...]

Nous avons dit dans l’article précedent, que Mademoiselle le Févre avoit commenté trois auteurs pour M. le Dauphin. Il faloit dire quatre, car outre les trois qu’on a nommez elle a publié aussi Eutrope. Ces quatre commentaires n’ont pas empêché qu’elle ne fît encore d’autres livres qui ont vû le jour. (p. 247).

Nouvelles de la République des lettres, octobre 1684,

article IV, p. 239, et article V, p. 247.


Nouvelles de la République des Lettres, 1686

[Recension du Plutus et des Nuées d’Aristophane]

[...] Il y a prés de deux ans que ce livre de l’illustre Mademoiselle le Fèvre est imprimé à Paris, & personne presque n’en sçait rien encore dans ces Provinces, où je ne croi pas qu’il y en ait d’autre exemplaire que celui que j’ai fait venir exprés, depuis que j’ai scû par le Journal de Leipsic la publication de cet ouvrage. Il méritoit pourtant d’être connu de tous les curieux beaucoup plûtôt, & d’avoir promptement sa place dans tous les journaux des savans.

La préface contient plusieurs choses considérables. On y voit d’abord qu’Aristophane ayant été chicané sur son droit de bourgeoisie se contenta pour tout plaidoyé d’alléguer à ses juges deux vers d’Homere, qui lui firent gagner sa cause. [...] (p. 246).

Ce qu’elle nous dit du goût est fort exquis, & fort nouveau, & supplée à la négligence des autres auteurs, qui ne nous avoient point encore défini ce que c’est. Ordinairement il n’y a rien dont on ne trouve si peu l’exacte définition, que des choses dont tout le monde parle.

Aprés cela l’auteur nous donne une analyse fort nette des deux comédies qu’elle a traduites. Cela fait beaucoup d’honneur à Aristophane, parce qu’on voit aisément la conduite et l’oeconomie de ses piéces, & que l’on y trouve la justification, ou l’explication des incidens qui pourroient paroître mal amenez. On y voit aussi des remarques d’érudition qui nous montrent quelle étoit la pratique du théatre parmi les Atheniens. Les moralistes s’y trouvent aussi de temps en temps [...]. (p. 249-250).

La traduction françoise que l’on voit ici de deux de ses comédies, a beaucoup de politesse & d’agremens, & l’on a pris soin d’en changer les allusions & les tours qui ne pouvoient pas avoir de grace dans nôtre langue.

Les notes qui accompagnent cette version servent ou à éclaircir les endroits qui pourroient faire de la peine, ou à mieux representer les beautez de l’original, qui n’ont pas été toûjours comprises ni  par les traducteurs ni même sur les anciens scholiastes. [...] Nous n’entrons pas dans le détail des notes de Mademoiselle le Févre. Il suffit de dire en général qu’elles sont une preuve d’érudition, & d’esprit. (p. 252-253).

[...] Nous faisions esperer au public dans le petit mot d’excuse que nous insérâmes dans ces Nouvelles de novembre, que le mariage de ces deux sçavantes personnes, ne les empêcheroit pas de faire des livres. Je ne sçai point si jusques ici ils on vérifié ma prédiction. [...]Ceux qui aiment les belles Lettres dans l’une & l’autre Eglise apprehendent fort que tant le mari que la femme ne se laissent entraîner ou par les conseils ou par les ordres de leur confesseur, & de Messieurs les convertisseurs, à faire des livres de controverse. Ce seroit dommage, dit-on, qu’ils s’amusassent à un tel travail, il n’y a déja que trop de gens qui s’en mêlent, & il vaudroit bien mieux qu’un auteur qui peut bien écrire sur d’autres choses n’entreprît point sur l’emploi des missionnaires, & qu’il le laissât tout entier à ceux qui ne sont capables que de cela. Mais quand on raisonne ainsi, on ne songe pas que chacun a ses raisons, & que M. Pelisson qui a si bien fait l’apologie de ceux qui n’écrivent que des madrigaux, a justifié par avance ceux qui quittent toute autre matiére en certains cas pour faire des livres de religion. (p. 254-255).

Pierre Bayle, Nouvelles de la République des lettres,

mars 1686, article I, p. 245-255.


Histoire des Ouvrages des Sçavans, 1688

[Recension du Térence]

Comme Terence peut être comparé à ces beautez delicates qui n’ont rien de brillant, & dont l’art le plus fin est caché sous une aimable simplicité, il est difficile d’en transporter les agrémens dans une autre langue que la sienne. Ce que les connoisseurs y admirent n’est souvent  qu’un tour naïf & de certaines expressions heureuses si propres au sujet  qu’elles valent quelquefois bien des pensées, et qu’il est presque impossible d’imiter. Cependant l’on ne peut desavoüer que Madame Dacier n’ait si bien ajusté le goust & la politesse  de nostre langue aux pensées de son auteur qu’il tireroit lui-même une nouvelle gloire  de se voir travesty par une main qui ne luy fait perdre aucune de ses graces naturelles. Au contraire, pleine d’une admiration hereditaire pour ce poëte qui estoit l’objet des soins de M. le Febvre son pere, elle a joint à sa traduction & aux remarques dont elle l’a embelly une préface qui le comble d’éloges. (p. 25-26).

On le met d’abord en parallèle avec Plaute [...](p. 26-28).

Au reste, Madame Dacier s’est crû obligée de prévenir ceux qui par une pieté trop scrupuleuse pourroient être choquez qu’elle eust traduit Terence sans en retrancher du moins les libertez les plus hardies. Elle soûtient qu’excepté deux ou trois vers, il n’y a rien qui blesse les lois de la pudeur la plus farouche : que ce précepte de Quintilien, de ne permettre la lecture de la comedie que quand elle ne peut plus nuire à la pureté des moeurs (nam cum mores in tuto fuerint, comoedia inter praecipua legenda erit) ne regarde que les comedies de Menandre & les autres pieces de theatre trop libertines. Enfin, elle n’a pu se résoudre à défigurer Terence par un scrupule placé si mal-à-propos. Quoy que beaucoup de sçavans hommes ayent travaillé sur ce poëte, leurs longs commentaires sont meslez de tant de mauvaises choses que l’on hazarde à gâter son esprit dans le mauvais air que l’on y respire & l’on seroit bien heureux si l’on en estoit quitte pour l’ennuy que l’on y trouve. Donat, si nous en jugeons par les lambeaux qui nous en restent, estoit celuy qui avoit le mieux reüssi. La plû-part des commentateurs entassent une érudition qui ne sert qu’à fatiguer le lecteur & s’amusent à prouver des choses qu’il vaudroit mieux ignorer éternellement que d’avoir la peine de les lire. M. de Balzac appelloit cet amas d’une littérature mal choisie le fatras & le bagage de l’Antiquité. Mais l’on ne trouvera point icy cette inutile parade ni ces éclaircissements ennuyeux. La traduction de Madame Dacier sert le plus souvent de commentaire et ses notes ne  regardent que les endroits  qui pourroient arrester et embarrasser l’esprit.

Suetone ayant écrit la vie de Terence, l’auteur s’est dispensée de nous en donner une nouvelle, & s’est contentée d’y suppleer par quelques remarques. [...] (p. 27-31).

Pour les remarques, nous en choisirons quelques-unes, afin que le lecteur puisse juger de leur prix par luy-même. [...] (p. 31-32).

Sur la même piece [l’Heautontimorumenos] Madame Dacier appuye la plaisante réflexion du bon homme Chremes,  qui ne pouvoit souffrir que la coûtume eust autorisé l’injustice d’être obligé de donner son bien en donnant sa fille. C’estoit luy arracher les entrailles, en le dépouillant tout ensemble de ce qu’il avoit de plus cher. On n’en usoit pas ainsi dans les premiers âges du monde, où l’on faisoit des presens aux peres pour obtenir leurs filles. La pudeur & la vertu estoient les seules richesses qu’elles emportoient de la maison paternelle, & leur seule personne estoit un assez grand tresor. Peut-être ont-elles rendu les chaînes du mariage trop pesantes : mais enfin le beau sexe est bien déchû de son ancienne gloire, & l’on ne voit plus gueres de ces passions desinteressées qui n’en veulent qu’au coeur. Nôtre siecle sur tout est fort grossier là-dessus. Le bien est un grand merite aujourdhuy. Une bonne somme d’argent raccommode les plus vilains traits du monde, & tout devient affreux dans la pauvreté. (p. 32-33).

Nous ajouterons que Madame Dacier s’est attirée un illustre adversaire sur les bras, je veux dire M. Menage : parce que dans l’Heautontimorumenos elle a pris party contre luy en faveur de Monsieur l’abbé d’Aubignac. C’est ce qui l’oblige de faire reimprimer le discours qu’il a donné autrefois sur cette comedie, & d’adresser à son ennemie une épigramme très-galante, dont nous ne prendrons que ces deux vers, qui renferment tout ce que nous aurions voulu dire nous-mêmes.

Docto nupta Viro, docto prognata Parente,

Non minor Anna Viro, non minor Anna Patre. (fin de la page 34).

Henri Basnage de Beauval, Histoire des Ouvrages des Sçavans,

mois de May 1688, Article III, p. 25-34.


Giovanni Santangelo, 1984

[A propos du Térence]

[...] sulla scorta di cio che siamo venuti a mano a mano esponendo sulla posizione criticamente avanzata della Dacier in questa Préface terenziana, riteniamo di poter ancora una volta ribadire che l’edizione di Terenzio fu, per la nostra Autrice, il vertice della sua esperienza critica. Anche per cio che riguarda il recupero dei valori linguistici delle opere dei suoi classici, il Terenzio costituisce davvero il documento esemplare della Dacier lettrice critica di testi, cosi come s’era per altro già accorto, pur spinto dal « mitto » che viveva, il Sainte-Beuve.

Giovanni Saverio Santangelo, Madame Dacier, una filologa nella « crisi » (1672-1720), Roma, Bulzoni, 1984, p. 328.


Journal des Sçavans, 1691

[Recension des Réflexions morales de Marc Antonin]

M. et Mad. Dacier n’ont point trouvé de titre qui convinst mieux à l’ouvrage d’Antonin, qui selon le grec, porte : Douze livres de l’empereur Marc-Antonin à soi-mesme. C’est le plus excellent monument qui reste de la philosophie des stoïciens ; & il est autant au dessus des livres  de Seneque & d’Epictete, que la fortune de l’empereur l’estoit au dessus de la condition de ces philosophes [...].

Cela n’empêche pas que les auteurs n’ayent trouvé de grandes difficultés dans la traduction de ces douze livres. Antonin s’est quelquefois servi d’un stile dur & obscur, & souvent ne s’est expliqué qu’à demi, parce qu’il parloit à soi-mesme. [...].

Dans les remarques, M. & Mad. Dacier ont évité la critique, & se sont uniquement proposé d’éclaircir le texte.

Lorsqu’ils ont trouvé des maximes entiérement veritables, ils les ont confirmées par les principes de notre religion,. Quand ils en ont vu qui estoient fausses dans la bouche d’Antonin, & qui pouvoient estre vrayes dans la bouche d’un chretien, ils ont refuté le faux sens, & etabli le veritable. Enfin quand ils en ont rencontré qui ne contenoient qu’une verité mêlée de doutes, ils ont appellé  à son secours la lumiere de la foi. [...].

Journal des Sçavans, 1691, I (15 janvier), p. 3-4.


Histoire des Ouvrages des Sçavans, 1691

[Recension des Réflexions morales de Marc Antonin]

Rien n’est plus digne d’admiration qu’un prince philosophe [...].

Les Reflexions morales de Marc Antonin sont divisées en douze livres. Me Dacier les éleve bien haut, & après l’Ecriture Sainte  elle ne trouve rien qui merite mieux l’étude, & l’attention de ceux qui veulent faire un bon usage de leur raison. Quelques-unes lui paroissent dignes d’un Evangeliste : en sorte que ses notes sont un pieux commentaire tout plein de passages des livres sacrez & tout tourné du côté de la devotion. [...] Il est vrai aussi que parmi les reflexions de Marc Antonin, il y en a que l’on peut transporter dans le christianisme, ou que l’on peut accommoder sans beaucoup de violence. Par exemple, celle-ci : Ne lamente point avec ceux qui lamentent. [...] (p. 194).

On trouvera bon nombre de pareils preceptes dans ce livre de Marc Antonin. Il y en a qui sont un peu abstraits, ou qui n’ont pas un sens achevé : & Me Dacier les developpe & les perfectionne par sa traduction, & par ses remarques. [...] (p. 197).

Histoire des Ouvrages des Sçavans, janvier 1691, article VI, p. 189-197.


Journal des Sçavans, 1694

[Recension des Vies des hommes illustres de Plutarque. Le journaliste ne signale, à aucun moment, la participation de Madame Dacier à cet ouvrage. « M. d’Acier » apparaît comme le seul traducteur et commentateur de ces Vies.]

Journal des Sçavans, 1694, X (8 mars), p. 109-111.


Journal des Sçavans, 1711, XIX-XX

[Recension de l’Iliade]

[...]

La gloire de reconcilier Homere avec nos Modernes étoit reservée à l’illustre Madame Dacier, qui fair tant d’honneur à son sexe, & dont les excellens ouvrages ont déja fait tant de fois l’éloge, en méritant ceux des meilleurs juges. La parfaite connoissance qu’elle s’est acquise des finesses & des beautez  particulieres aux deux langues, la mettoit en état de nous donner une traduction d’Homere, dans laquelle ce poëte en parlant très-purement françois, conservât toujours son propres caractere, & ne perdît rien ni pour le sens, ni pour l’expression. [...] personne n’étoit plus capable qu’elle, de justifier Homere [...] contre les critiques peu sensées que l’ignorance & le mauvais goût ont fait naître, particulierement dans ces derniers temps. C’est donc ce qu’elle entreprend d’executer dans la préface qu’on lit à la tête de cette traduction de l’Iliade ; préface qu’on doit regarder comme un morceau des plus achevez en ce genre, tant pour la justesse & la solidité des raisonnements, que pour la dignité, la noblesse & les agrémens du style. Nous allons en donner un extrait avec le plus d’exactitude qu’il nous sera possible [...]. (p. 289-290).

Journal des Sçavans, 1711, XIX (11 mai), p. 289-302.

Dans le n° XX (18 mai), le journaliste rend compte de la « Vie d’Homère » et, à partir de la page 309, il donne des extraits de la traduction, puis des exemples de remarques « prises au hazard » (p. 313 sq).


Journal des Sçavans, 1715

[Recension de Des Causes de la corruption du goût]

La réputation distinguée que l’illustre Madame Dacier s’est si justement acquise dans la Republique des Lettres, étoit jusqu’ici principalement fondée sur les soins qu’elle a pris de nous faire connoître plus parfaitement de fameux auteurs grecs ou latins, soit par de sçavans commentaires destinez à nous en développer le vrai sens, soit par des traductions françoises aussi élegantes que fideles. Il n’en est pas de même du traité qu’elle nous donne aujourd’hui ; l’honneur luy en est dû tout entier. Elle y paroist si riche de son propre fond, & elle y manie avec tant d’art & de superiorité deux genres d’écrire également solides & instructifs, qui sont le didactique & le polémique, qu’on seroit presque tenté de regretter le temps qu’elle a mis à des travaux d’une autre espece.

Elle a entrepris celui-ci en faveur d’Homere [...].

Madame Dacier, à qui les interêts d’Homere sont trop chers, pour les abandonner dans pareille conjoncture, vient donc vanger l’outrage fait à ce pere de la poësie, & justifier, contre M. de la Motte, les applaudissemens prodiguez à l’Iliade dans les siecles les plus éclairez & par les peuples les plus sçavans & les plus polis. [...].

Madame Dacier se propose deux choses dans ce volume : l’examen du Discours de M. de la Motte, & celui du poëme. [...]. (p. 113-114).

« Mais (ajoute Madame Dacier) pour ne pas faire un ouvrage purement polémique, plus propre à divertir les lecteurs qu’à instruire, je tâcherai de me tirer de cette voye commune de dispute, & de faire une espece de traité, qui sera une recherche des causes de la corruption du goût [...] (p. 115).

Journal des Sçavans, 1715, VIII (25 février), p. 113-127.

[...] Il nous reste presentement à rendre compte du jugement que porte cette illustre apologiste sur l’entreprise que son adversaire a faite, de mettre l’Iliade en vers françois, et sur la maniere dont il s’en est acquité. (p. 129).

[...]

On voit par là, comme par tout le reste du livre, que Madame Dacier n’en veut qu’aux sentimens de M. de la Motte ; qu’elle n’attaque nullement son merite personnel ; en un mot, qu’elle tien exactement la parole qu’elle luy donne (pages 10 & 11) de garder avec luy tous les ménagemens possibles, & de de ne luy dire point d’injures. (p. 141).

Journal des Sçavans, 1715, IX (4 mars), p. 129-142).


Journal des Sçavans, 1717

[Recension de l’Odyssée. Le journaliste ne rend compte que de la préface.]

Le dessein de traduire en françois les deux poëmes d’Homere, & de les éclaircir par des remarques, est un des plus hardis qu’on puisse former dans la littérature ; & il feraoit certainement honneur aux critiques les plus habiles & les plus laborieux. Quels éloges ne merite donc pas Madame Dacier, qui s’élevant au dessus des occupations ordinaires à son sexe, a eu le courage de faire un pareil projet, & la constance de l’executer ? En effet, le voilà rempli par ces trois volumes, dans lesquels cette sçavante interprete nous présente le poëme de l’Odyssée revêtu de tous les agrémens qu’il peut emprunter d’une version aussi élegante que fidele, & accompagné d’observations également interessantes & instructives. Sans parler de l’utilité qu’en peuvent recueillir les doctes de profession ; il est certain que les jeunes gens qui s’attachent à l’étude du grec tireront de fort grands secours & de la traduction & des remarques, pour l’intelligence d’Homere, non-seulement par rapport à l’élocution, mais encore par rapport à l’ordonnance & à l’économie de son ouvrage : & les dames, d’un autre côté, trouveront sans doute, les avantures d’Ulysse plus amusantes & plus divertissantes pour elles, que les combats & les meurtres si fréquens dans l’Iliade. (p. 3-4).

Journal des Sçavans, 1717, I (4 janvier), p. 3-13.


Journal des Sçavans, 1717

[Recension de l’Odyssée. Le journaliste s’attache d’abord à la dernière partie de la préface, puis il cite un certain nombre de « remarques » « sçavantes et curieuses » (p. 36-44).]

[...] Du reste, elle déclare qu’elle a trouvé plus de difficulté dans la traduction de l’Odyssée, que dans celle de l’Iliade, contre ce qu’elle avoit crû d’abord. Cette difficulté naît (selon elle) de la simplicité de l’Odyssée, malgré laquelle les richesses de la langue grecque ont mis Homere en état de s’exprimer noblement jusques dans les plus petits sujets : secours que Madame Dacier n’a pû (dit-elle) rencontrer dans notre langue. C’est un désavantage dont elle sera seule à s’appercevoir, pendant que le public ne trouvera l’Odyssée françoise nullement inferieure à l’Iliade, soit pour l’élégance, soit pour la noblesse de l’expression. (p. 35).

Journal des Sçavans, 1717, III (18 janvier), p. 33-44).


Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, éd. de 1768

[A propos d'Homère]

[...] Nous devons à madame Dacier la traduction d’Homère la plus fidèle par le style, quoiqu’elle manque de force, et la plus instructive par les notes, quoiqu’on y désire la finesse du goût. On remarque surtout qu’elle n’a jamais senti que ce qui devait plaire aux Grecs dans des temps grossiers, et ce qu’on respectait déjà comme ancien dans des temps postérieurs plus éclairés, aurait pu déplaire s’il avait été écrit du temps de Platon et de Démosthène ; mais en fin nulle femme n’a jamais rendu plus de services aux lettres. Madame Dacier est un des prodiges du siècle de Louis XIV.

Voltaire, Le Siècle de Louis XIV, « Catalogue de la plupart des écrivains français qui ont paru dans le siècle de Louis XIV, pour servir à l’histoire littéraire de ce temps »,

article « DACIER (André) » (édition des Œuvres complètes de Voltaire,

Paris, Didot, 1821, t. XIX, p. 81-82).


Montesquieu, Pensées

[A propos d'Homère]

Monsieur de La Motte est un enchanteur, qui nous séduit par la force des charmes. Mais il faut se défier de l’art qu’il emploie. Il a porté dans la dispute ce génie divin, ces talents heureux, si connus dans ce siècle-ci, mais que la postérité connaîtra mieux encore.

Mme Dacier, au contraire, a joint à tous les défauts d’Homère tous ceux de son esprit, tous ceux de ses études, et j’ose même dire tous ceux de son sexe ; telle que ces prêtresses superstitieuses qui déshonoraient le dieu qu’elles révéraient, et qui diminuaient la religion à force d’augmenter le culte.

Je ne dis pas que Mme Dacier ne méritât cette belle place qu’on lui a donnée dans la République des Lettres, et qu’elle semble avoir obtenue envers le Destin même, qui l’avait plutôt fait naître pour faire le bonheur de quelque moderne que pour la gloire des Anciens. Tout le monde a senti le tour et le feu de ses traductions. Mais elle a fini sa vie dans un siècle où le souverain mérite est de penser juste, et qui, dans le temps qu’il admire une belle traduction de l’Iliade, n’est pas moins frappé d’un mauvais raisonnement sur L’Iliade.

Ainsi l’on pourrait dire de cette guerre ce qu’on dit de celle de Pyrrhus et des Romains : que les Epirotes n ‘avaient pas vaincu les Romains ; mais que le consul avait été vaincu par le roi des Epirotes.

Pensées, 116, in Louis Desgraves, Montesquieu, Pensées. Le Spicilège,

Paris, Laffont, collection Bouquins, 1950, p. 214.


Chateaubriand, 1803

[A propos d'Homère]

Les deux époux, après s’être livrés aux premiers transports de leur tendresse, s’enchantèrent par le récit mutuel de leurs peines...

Ulysse achevait à peine les derniers mots  de son histoire, qu’un sommeil bienfaisant se glissa dans ses membres fatigués, et vint suspendre les soucis de son âmeA.

Cette reconnaissance d’Ulysse et de Pénélope est peut-être une des plus belles compositions du génie antique. Pénélope assise en silence, Ulysse immobile au pied d‘une colonne, la scène éclairée à la flamme du foyer : voilà un tableau tout fait pour un peintre, et où la grandeur égale la simplicité du dessin.
Note A. Mme Dacier  a peut-être trop altéré ce morceau. Elle paraphrase des vers tels que ceux-ci :

Ὣς φάτο τῆς δ’αὐτοῦ λύτο γούνατα καὶ φίλον ἧτορ,

A ces mots, la reine tomba presque évanouie ; les genoux et le coeur lui manquent à la fois, elle ne doute plus que ce ne soit son cher Ulysse. Enfin, revenue de sa faiblesse, elle court à lui, le visage baigné de pleurs, et l’embrassant avec toutes les marques d’une véritable tendresse, etc. Elle ajoute des choses dont il n’y a pas un mot dans le texte ; enfin elle supprime quelquefois les idées d’Homère, et les remplace par ses propres idées, et c’est ainsi qu’elle change ces vers charmants :

Τὼ δ’ἐπεὶ οὖν φιλότητος ἐταρτεινῆς,

Τερπέσθην μύθοισιι, πρὸς ἀλλήλους ἐνέποντε.

Elle dit : Ulysse et Pénélope, à qui le plaisir de se retrouver ensemble après une si longue absence, tenait lieu de sommeil, se racontèrent réciproquement leurs peines. Mais ces fautes, si ce sont des fautes, ne conduisent qu’à des réflexions qui nous remplissent de plus en plus d’une profonde estime pour ces laborieux hellénistes du siècle des Lefebvre et des Pétau. Mme Dacier a tant de peur de faire injure à Homère, que si le vers implique plusieurs sens, renfermés dans le sens principal, elle retourne, commente, paraphrase, jusqu’à ce qu’elle ait épuisé le mot grec, à peu près comme dans un  dictionnaire on donne toutes les acceptions dans lesquelles un mot peut être pris. Les autres défauts de la traduction de cette savante dame, tiennent pareillement  à une loyauté d’esprit, à une candeur de mœurs, à une sorte de simplicité  particulière à ces temps de notre littérature. Ainsi, trouvant qu’Ulysse reçoit trop froidement les caresses de Pénélope, elle ajoute, avec une grande naïveté, qu’il répondait à ces marques d’amour  avec toutes les marques de la plus grande tendresse. //Et bientôt, plus pudique même que cette Pénélope, dont aucun homme ne connoissoit la couche, elle a craint de dire, comme le poëte, que les deux époux s’enchantèrent d’amour.//[1] Il faut admirer de telles infidélités. S’il fut jamais un siècle propre à fournir des traducteurs d’Homère, c’était sans doute celui-là, où non seulement l’esprit et le goût, mais encore le cœur étaient antiques ; et où les mœurs de l’âge d’or ne s’altéraient point, en passant par l’âme de leurs interprètes.

Chateaubriand, Génie du christianisme,

Paris, Gallimard, Bibliothèque de la Pléiade, 1978,

IIe partie, livre II, chapitre II, p. 651.


Paul Mazon, 1936

[A propos d'Homère]

Pour traduire Homère, il faut un parti pris. Ce parti pris dépend aujourd’hui pour une large part de l’état de la science ; mais, jusqu’au XIXe siècle, il dépendait avant tout des conceptions esthétiques et sociales du temps ; et c’est ainsi que la meilleure traduction d’Homère en France à l’époque classique, la traduction de Madame Dacier, nous apparaît comme un des monuments littéraires les plus riches et les plus expressifs du siècle de Louis XIV. (p. 5).

Je ne doute pas, pour ma part, de l’honnêteté foncière de madame Dacier, si elle l’a égarée parfois dans l’interprétation de quelques détails de moeurs, ne l’ait aussi beaucoup aidée à comprendre Homère et à s’en faire une idée d’ensemble plus juste que celles qu’en ont encore nombre d’érudits. (p. 11).

La véritable exactitude pour un traducteur consiste à produire sur ses lecteurs la même impression que le poète qui lui sert de modèle cherchait à produire sur son public. Les auditeurs d’Homère n’accordaient nulle attention à des formules de politesse, encore moins à des descriptions traditionnelles qui étaient pour eux dépourvues de tout pittoresque. Dès lors, tout ce qui est pure convention de la poésie d’Homère devrait être éliminé d’une traduction moderne ou du moins d’y être abrégé et atténué, de façon à ne pas retenir indûment l’esprit du lecteur sur des détails qui sont sans valeur dans l’original. Mettre de la couleur où le poète  créateur n’en a pas mis, c’est commettre à l’égard de celui-ci une infidélité bien plus grave qu’on ne le ferait en l’abrégeant un peu. Et par la force même des choses, on ne peut échapper à ce danger puisqu’il faudra en français des mots nouveaux et voyants pour rendre des expressions usées et ternies. Si l’on accepte ces principes, on peut dire que Madame Dacier a bien réalisé « l’imitation libre et noble » qu’elle se proposait de faire. Elle a donné à son siècle une traduction d’Homère qui n’a pas sans doute la force ni surtout la grâce spirituelle de l’original ionien, mais qui garde du moins quelque chose de l’ampleur courtoise et aisée du style homérique. (p. 17-18).

Paul Mazon, Madame Dacier et les traducteurs d’Homère en France,

The Zaharoff  lecture for 1935, Oxford, at the Clarendon Presse, 1936.


Noémi Hepp, 1968

[A propos d'Homère]

Le succès très honorable dont a joui cette traduction de son temps, et longtemps après encore, ne saurait nous masquer que, sur le plan de l’esthétique, elle constitue un échec. L’Homère de Mme Dacier n’est que très partiellement un poète de l’antiquité, mais il n’est pas davantage un poète moderne ; il n’a pas d’âge, pas de sol où s’enraciner. Né de perpétuels faux-fuyants et de compromis, il n’a nulle vie propre.

Noémi Hepp, Homère en France au XVIIe siècle,

Paris, Klincksieck, 1968, p. 659-660.


Bruno Garnier, 2002

[A propos d'Homère]

L’Iliade et l’Odyssée de Madame Dacier sont la traduction la plus fidèle qui ait été publiée d’Homère au XVIIe siècle et il ne pouvait pas s’en publier alors de plus fidèle. Son plus grand mérite est d’avoir affirmé la prééminence de la philologie et l’importance des référents culturels du texte pour l’information des lecteurs. Il faut la créditer d’avoir ainsi contribué à séparer les fonctions respectives de l’auteur et du traducteur, comme l’a relevé Boivin dans sa critique de l’Iliade de La Motte. (p. 37-38).

Bruno Garnier, « Anne Dacier, un esprit moderne au pays des Anciens », in Jean Delisle (dir.), Portraits de traductrices, Arras, Artois Presses Université ; Ottawa, Presses de l’Université d’Ottawa, 2002, p. 13-54.


Journal des Sçavans, 1717

[Recension de l’Homère défendu]

Si Homere a mérité des éloges, & en a recû dans tous les siècles, on peut dire d’un autre côté, que jamais poëte n’a essuyé plus de critiques & de contradictions, sur tout dans ces derniers temps, & n’a eu un besoin plus pressant de secours. [...] Madame Dacier prétend y [dans Homère défendu] montrer que le P. Hardoüin, en faisant l’apologie d’Homere, luy a fait la plus grande injure que ce poëte ait jamais reçûë de ses ennemis les plus declarez. (p. 155).

[...]

Madame Dacier, non contente d’avoir combattu par le raisonnement les deux propositions du P. Hardoüin, s’applique à faire encore mieux sentir la fausseté du système de ce Père, en parcourant quelques-unes des explications qu’il donne à divers passages d’Homere, pour appuyer ce nouveau système : telles sont les explications de la fable de Jupiter lié par les autres dieux, & délivré par Thétis à l’aide de Briarée [etc.]. Une discussion plus particuliere de ces explications, & des reflexions égayées qu’elles donnent occasion de faire à Madame Dacier, nous meneroit trop loin.

Nous ne devons pas oublier d’avertir que si elle attaque vivement le systéme du P. Hardoüin, elle ne repousse pas avec moins de force les critiques de cet adversaire, qui n’est pas content de la maniere dont cette sçavante interprete a traduit divers passages de l’Iliade. On peut voir de quelle sorte elle justifie son interpretation ; sur tout par rapport à un endroit du 23e Livre, où il est parlé de l’état des ames aprés la mort : & un autre du dernier Livre, où il s’agit de déterminer les veritables bornes des Etats de Priam. (p. 160).

Journal des Sçavans, 1717, X (8 mars), p. 155-160.


[1] Le passage entre //…// est une variante.